Revue de Presse Cahiers Bataille 2

Cahiers Bataille n°2

Sitaudis.fr
15 décembre 2014
Jacques Barbaut, écrivain et poète

I/ Quand Georges Bataille restitue la sensation que la toile d’Edouard Manet intitulée l’Exécution de Maximilien (1868) lui provoque, cela donne :

Ce tableau rappelle étrangement l’insensibilisation d’une dent : il s’en dégage une impression d’engourdissement envahissant, comme si un habile praticien avait appliqué comme à l’habitude et consciencieusement ce précepte premier : « Prends l’éloquence et tords-lui le cou. » Manet fit poser quelques personnes : elles ont pris l’attitude les unes de ceux qui meurent, les autres de ceux qui tuent, mais d’une manière insignifiante, comme ils achèteraient « une botte de radis ». Tout facteur d’éloquence, vraie ou fausse, est éliminé.

Et aussitôt, grâce à l’emploi de deux images parmi les plus improbables, les plus « excessives » — l’insensibilisation d’une dent et « une botte de radis » — pour décrire l’étrangeté de ce tableau représentant l’exécution de l’empereur du Mexique, archiduc d’Autriche, empereur depuis 1864 avec l’appui de Napoléon III et des conservateurs mexicains, condamné à mort, fusillé pour l’exemple avec deux de ses généraux sur ordre de Juárez, le 19 juin 1867 —, tout bascule…

… tout se dérègle pour dire l’absence d’une quelconque exaltation particulière, la non-solennité de cet événement historique n’entrant pas dans la lignée des morts glorieuses de rois archaïques, laissant dès lors toute la place libérée — ou « libre » — pour un pur moment de peinture.

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Cahiers Bataille n°2

visuelimage.com
22 janvier 2015
Gérard-Georges Lemaire, écrivain, traducteur et historien de l’art

Le n°2 des Cahiers Bataille peut être donné en exemple pour toutes les publications de caractère littéraire ou philosophique : pas de jargon, une belle écriture limpide, le moins possible de référence obscures, des articles sérieux et documentés, souvent pointus, mais toujours lisibles. Je prendrai pour exemple l’essai de Miguel Morey, « La Sanctification du rire », qui examine un des aspects de l’interprétation de la pensée de Nietzsche par l’auteur de l’Histoire de l’oeil. De plus, la revue évite la tournure apologétique de ce genre. Bataille n’est pas regardé comme un saint patron, mais une source de réflexions. Je ferai une seule réserve : dans le papier de Hiroshi Yoshida, il y a un excès dans la comparaison entre Bataille et Foucault. Il n’est d’ailleurs pas le seul à transposer la pensée de Bataille dans le champ théorique de Foucault. Ce genre de mise en abîme qui me paraît un peu forcé et surtout bien académique. Bataille n’était pas un philosophe, même si la philosophie a joué un rôle de premier plan dans son oeuvre. Pour le reste, on est enchanté par les commentaires apportés par Jan Ceullers sur les dessins réalisés par René Magritte pour Madame Edwarda et qui, malheureusement, n’accompagneront jamais l’oeuvre de Bataille. Ces cahiers très spécialisés devraient néanmoins intéresser tous ceux qui s’intéressent à la littérature et à la philosophie du XXe siècle

Diversité de Bataille

la Nouvelle Quinzaine Littéraire
no 1121, du 1er au 15 février 2015
Christian Limousin, poète, critique et historien de l’art

Avec leur n°2, les Cahiers Bataille affirment leur identité de revue de bibliothèque de grande qualité, alliant études substantielles dues à des collaborateurs du monde entier et créations littéraire et plastique. Au sommaire : le rire chez Bataille, la virilité et la psychologie des foules dans son antifascisme, Bataille et Foucault lecteurs de Manet, le projet méconnu (et resté sans suite) d’une série de six dessins de Magritte illustrant Madame Edwarda, etc. Au détour d’une correspondance avec un ami d’enfance, nous apprenons que Bataille n’a pas connu Nietzsche à Paris en 1922, comme on le croyait jusque là, mais en 1917, sur un sentier du Cantal.

Cahiers Bataille n°2

Cahier Critique de Poésie no 33-1
27 octobre 2015
Stéphanie Eligert

Le volume est élégant, luxueux (format ample, couverture noire brillante, police fine, papier épais aux nuances ivoire, etc.) – et cependant, ce luxe, à la pratique, n’a pas les effets qu’on pourrait craindre : celui d’un fétichisme de Bataille faisant, au final, qu’on ne réfléchit pas à ses concepts, mais se contente de les admirer dans une contemplation stérile.

Au contraire, Bataille est réellement travaillé, et cela au travers, semble-t-il, d’une structure conçue comme permanente : il y a un entretien, des parties dites « critique » et « contexte », des traductions de théoriciens internationaux, des créations littéraires et plastiques, des inédits. Et l’impression la plus frappante qu’on retire de cette seconde livraison, c’est qu’on sent à l’œuvre le meilleur de ce qu’on peut appeler une atmosphère bataillenne de pensée : une manière grave, profonde et calme de pénétrer les concepts cruciaux de l’existence.

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