Revue de Presse Cahiers Leiris 2

Cahiers Leiris no 2

le Matricule des Anges
no 18, novembre-décembre 2009
Emmanuel Laugier, critique

Le deuxième numéro des Cahiers Leiris, élégamment composé, bien que son ton soit assez universitaire, offre de réjouissantes approches encore peu explorées, à l’exemple de celle sur la rencontre de Leiris et de l’atypique historien de l’art (du primitivisme à Braque) Carl Einstein, que propose en ouverture Liliane Meffre. Chaque intervention a eu la bonne idée (rare à vrai dire) d’être précédée d’un « Leiris & moi », recontextualisant la rencontre que fit chaque auteur de l’œuvre de Leiris. Sans être indispensable à Leiris lui-même, ces brefs avant-propos rendent les études moins austères, et rappellent quelle vie, hasard, il y a derrière le choix de s’y consacrer. Chacun découvre là pudiquement les voies et détours d’une fiction biographique qui modifie quelque peu le regard que l’on portera sur le texte suivi : dans « Littérature sans mémoire », Marianne Berissi, rappelant la chambre d’étudiante où elle entendit pour la première fois à la radio des passages lus de l’Âge d’homme, remonte la piste des « lectures d’enfance de Michel Leiris », du manuel scolaire d’Albert Malet à l’Alice… de Lewis Caroll, ou aux livres d’images. De la photo de Leiris encadrée au-dessus de son bureau, longtemps, nous dit l’auteur, certains pensèrent qu’il s’agissait de son père, comme si elle-même remontait de sa propre enfance à une mémoire sans père. On croisera aussi l’étude sur la passion de l’opéra de Leiris à celle de la tauromachie, chacun y révélant les paradoxes propres à l’amour de la scène du « spectacle » et de la vérité qu’il recèle. C’est aussi dans l’arène ou la chambre close dessinées par Bacon que Leiris formula la puissance de figuration/défiguration du peintre, comme la sienne propre, ce qu’Annie Pibarot appelle un « heureux égarement ».