
Cahiers BRETON
« J’ai connu un homme qui n’est pas comme les autres. Le baromètre alors marquait vingt ans. Je l’ai vu dans les diverses circonstances de la vie, en proie à cette vie et à lui-même […]. C’est un nommé André Breton, qui fait l’effet aux romanciers d’être un personnage de roman, qui est mon ami, paraît-il. Qui a l’oreille des catastrophes. Qui attend au bord des marais la trompe bleue de l’avenir (la belle boucle !). Qui n’a jamais pensé à lui. […] Qui n’a jamais plaisanté avec le ciel.
Cet immense espoir problématique s’est levé à l’union du passé et de l’avenir, au début du vingtième siècle. Il était naturel qu’il portât d’abord ses regards sur l’horizon, royaume noir et bleu des abîmes. »
Louis ARAGON, « Manifeste du surréalisme, par André Breton » (1925)
En revenir à Breton, à cette étreinte éperdue dans laquelle il prend son époque à bras-le-corps et nous engage, avec lui, jusque dans la nôtre. On s’est beaucoup évertué à rendre le surréalisme collectivement présentable, et, simultanément, à le condamner, lui, jusqu’à en faire la persona non grata de son propre mouvement. Si bien qu’il faut à nouveau cligner des yeux, faire un effort d’accommodation pour que derrière les ébahissements de rigueur, aux cimaises des musées, on redécouvre la force d’amour, d’amitié, de révolte et d’exigence à laquelle son nom pourrait servir d’oriflamme.
Ces Cahiers Breton, pour à nouveau cligner des yeux, et en revenir à André Breton comme au foyer toujours brûlant d’une œuvre qui, malgré tous les accaparements de notre temps, nous rend enfin à nous-mêmes.