Cahiers LEIRIS
« J’ai connu tout d’abord Michel Leiris. Je le rencontrai à la fin de l’année 1924 ; il était l’ami de Jacques Lavaud, comme moi bibliothécaire à la Nationale. Nous eûmes l’intention éphémère, à trois, de fonder un mouvement littéraire, sur lequel nous n’avions jamais eu que de bien vaines idées. […] Leiris, peu après, se mêla au groupe surréaliste et nous cessâmes d’en toucher mot : je crois que l’ampleur et la rudesse du mouvement naissant lui donnèrent un choc. Nous restâmes un ou deux mois sans nous voir. Nous n’étions pas enclins à nous expliquer, surtout Leiris. Mon ami parlait volontiers de boissons et de bars. Nous parlions quelquefois de littérature, mais sans plus d’intérêt que de boissons ou de bars (et je puis dire que j’en étais déçu, mais que Leiris, plus jeune que moi, m’intimidait : j’avais honte, avec lui, de parler de ce qui m’occupait tout entier. Non seulement je vivais dans ce sentiment de honte, mais Leiris était, de nous deux, l’initié). »
Georges BATAILLE, le Surréalisme au jour le jour (1951)