Revue de Presse Cahiers Breton 1

« Breton et eux »

Le Monde
22 novembre 2024

Il faut beaucoup de doigté et d’ardeur pour commémorer sans enterrer, et faire d’un anniversaire comme celui du premier Manifeste du surréalisme l’occasion d’un retour à la vie.
Frédéric Aribit et la petite troupe d’universitaires, écrivains et artistes qu’il a réunie dans ce premier numéro des Cahiers Breton ne manquent ni de l’un ni de l’autre. Il est vrai, écrit Aribit en ouverture, qu’André Breton « n’est pas de ceux que les modes accaparent et remodèlent aisément », et qu’il suffit d’ouvrir ses livres et ceux de ses compagnons pour ressentir l’onde de choc toujours vivace de la révolution surréaliste. C’est ce que démontrent avec brio aussi bien un entretien brûlant avec Annie Le Brun que des études sur les enjeux politiques et les circulations mondiales du Manifeste…, ou des créations de dessinateurs, photographes et poètes. Ou encore ces brefs « Breton & moi » rédigés par chaque auteur, pour rappeler qu’il s’agit, à travers l’ensemble, de cartographier des bouleversements intérieurs et l’enlacement sans fin des œuvres et des vies décrété par Breton, cet homme, écrit la philosophe Aude Juncker, qui « ne prend pas le réel pour un con mais […] le surprend en sifflant « ̋pourquoi pas ̋ ».

« Cahiers Breton 1 »

Ent’revues
Anthony Dufraisse

« À l’évocation de son nom, de sempiternelles et grotesques critiques devenues désormais des poncifs déferlent : dogmatique, pape, tyrannique, chef d’école, etc., mais jamais le mot poète n’est prononcé. Ce qui traduit bien l’absence réelle de compréhension de sa quête, car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une quête initiatique vers le merveilleux, ‟la surréalitéˮ présente au cœur du réel », écrit Fabrice Pascaud, membre du groupe surréaliste de Paris dans les années 1990, à propos d’André Breton (1896-1966). On peut lire ces lignes dans le tout premier numéro d’une revue que lui consacrent les décidément très précieuses Éditions des Cahiers, après des séries sur Aragon, Artaud, Bataille ou encore Leiris. La direction de la publication a été confiée à Frédéric Aribit, fin connaisseur de Breton évidemment mais aussi de Bataille, et dans le cas présent impeccable maître de cérémonie. Centenaire oblige du Manifeste du surréalisme, le thème de ce numéro inaugural porte logiquement tout autant sur le fameux texte fondateur du mouvement surréaliste que sur André Breton, figure théorique motrice et artisan d’une pensée émancipatrice. Frontales, obliques ou dérivantes (comme on le dirait de filets de pêche), les contributions d’une vingtaine d’auteurs – universitaires, critiques, écrivains… – articulent avec pertinence, et sensibilité souvent, ces deux dimensions ; d’autres productions, d’artistes ou de poètes (Cristina Botta, Malou Rivoallan, Anne Wattel, Claude Bommertz, Thierry Renard…) tracent des voies plus personnelles, empruntant des chemins créatifs buissonniers, entre dessins, photos et variations poétiques. À signaler aussi car on aime beaucoup l’idée : reprenant un principe déjà utilisé dans les autres séries de revues de la maison d’édition, un court témoignage autobiographique intitulé « Breton & moi » précède chaque contribution et vient donner, en quelque sorte, sinon la nature du lien personnel qui unit l’auteur au surréaliste, du moins la tonalité du registre dans lequel le texte va s’inscrire.

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