Revue de Presse Cahiers Laure 1

« Laure, recluse de l’amour »

le Littéraire.com
28 janvier 2013
Jean-Paul Gavard-Perret, poète, critique, maître de conférences

À l’heure où des abbesses douteuses — dont le feu du corps étouffe sous la bure — courbaient  la tête en s’égarant dans les jeux d’un cierge, un baladin flamba dans le bûcher de Laure.  Pour lui elle ouvrit la mer, releva sa herse à lèvres ouvertes, découpa ses ombres pour leurs escarpements. Il s’offrit assauts, sauvages oraisons en une fontaine carnivore. Rien, pensa Laura, n’est vain à de telles racines du ciel. Son pyromane traça donc des éclairs sur ses velours, y imprima son  sceau, solfia  dans les pulpes de feu de celle qui ne se savait pas encore la trop mal aimée.

Laure fut marquée au fer par ces débords. Dans la coquille de l’amour la carde de Bataille souleva des écheveaux mais elle n’y glana que le vide.. L’amant la mit en charpie, fit neiger des abîmes qu’au plus profond du rouge. Très vite il n’y eut pas de sols en flamme, d’humus en fusion. Les certitudes de l’affect fondirent loin de la chaleur du  plomb phallique. La captive consentante ne trouva comme seul ancrage ses ombres et ses failles.

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« Lire Laure »

Lesinfluences.fr
30 janvier 2013
Emmanuel Lemieux, essayiste et journaliste
Découvrir complètement la vie de Colette Peignot alias Laure, plus connue mais injustement comme compagne de Georges Bataille.

Laure ? La lit-on encore ? En 1938, s’éteignait une jeune femme de feu. Colette Peignot dite Laure (1903-1938) a vécu une liberté en auto-combustion permanente avant que la maladie ne la réduise en cendres. Longtemps, elle a été connue de façon condescendante comme simple épouse-amulette de Georges Bataille, ou accroche-coeur de Michel Leiris. Pour Leiris justement, elle lui apparaissait comme « une émeraude médiévale alliant à son incandescence un peu chatte une suavité vaguement paroissiale de bâton d’angélique ». « Pour nous, le personnage relevait de la mythologie surréaliste » expliquera des décennies plus tard Maurice Nadeau. Les Éditions les Cahiers lui rendent justice d’une influence souterraine et d’une autonomie bien plus intéressante que cette postérité d’ombre, et engagent un long travail de défrichage bio et bibliographique la concernant. Sa vie aura été nettement plus dense, riche, dangereuse que celles des deux messieurs réunis.
Une femme qui se sera créée et recréée.

« Archange ou putain
je veux bien
Tous les rôles
me sont prêtés
La vie jamais reconnue »

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Laure

Infosurr
n106, mars-avril 2013
Dominique Rabourdin, écrivain, critique de cinéma, critique littéraire

Le numéro 1 des Cahiers consacrés à Laure est l’aboutissement, 75 ans après sa mort en 1938, de la volonté de Georges Bataille et Michel Leiris de respecter le désir exprimé par leur amie que son témoignage ne reste pas « incommuniqué ». Ils écrivaient :

« Il ne faut pas s’isoler, rien n’ayant de sens que ce qui existe pour d’autres êtres. Mais la misère inhérente à tout ce qui est littérature lui faisait horreur : car elle avait le plus grand souci qui puisse se concevoir de ne pas livrer ce qui lui apparaissait déchirant à ceux qui ne peuvent pas être déchirés. »

Bernard Noël dit aussi :

« Celle qui ne s’était jamais jugée satisfaite de ses écrits et n’avait jamais pensé « faire œuvre » avait laissé la matière d’une œuvre ».

Qui fera d’elle une des héroïnes de notre temps.

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Une muse fausse compagnie

Art press
n° 399, avril 2013
Jacques Henric, critique, essayiste et romancier

Les revues littéraires, on peut les apprécier éclectiques, proposant un choix de textes ayant peu de liens entre eux, et à chaque lecteur d’y faire son marché plus ou moins en connaissance de cause. Il ira ainsi vers ceux dont le thème ou du nom de l’auteur le retiennent et il se contentera de pignocher dans le reste ou de passer carrément à autre chose. Vu le prix des revues et souvent le choix limité de textes qui sont susceptibles de retenir son attention, peut-être ne faut-il pas s’étonner de la baisse des ventes dont elles souffrent. À ce type de revues, on peut préférer celles qui ont fait le pari de se concentrer sur un thème ou sur un auteur et de pratiquer un travail de mineur : creuser, explorer, découvrir de nouveaux filons, extraire des pépites, en attendre de nouvelles. C’est précisément le choix qu’ont fait les Éditions les Cahiers qui s’en tiennent à quelques écrivains élus auxquels, sous la direction de Jean-Sébastien Gallaire, ils consacrent d’année en année de volumineux cahiers.

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« La diagonale de Laure »

le Matricule des Anges
no 142, avril 2013
Emmanuel Laugier, écrivain et critique

Née en 1903 dans une famille d’industriels sous le nom de Colette Peignot (dont le père Georges Peignot offrit à la typographie française ses lettres de noblesse), celle qui se choisit (mais on dit que ce fut Bataille qui la nomma ainsi) le pseudonyme de Laure, reste la figure emblématique d’une époque. Celle où la revue Acéphale (1936-39) était l’un des seuls lieux où l’objet de la pensée fut tourné vers une guerre révolutionnaire, dans laquelle L’existence y était entièrement en jeu. Laure, pour qui le poème « serait quelque chose comme les derniers mots d’un mourant », ne pouvait là qu’y voir l’objet de sa propre exigence, celle de son existence, convulsive, tournée vers une vérité au delà de soi, et trop brève (elle meurt à 35 ans de la tuberculose). Parmi ses écrits, l’Histoire d’une petite fille, véritable révolte contre l’ordre bourgeois et ses hypocrisies. Ses poèmes que la revue donne à entendre (Michelle Matthis) sur un cd et mis en musique par Jean-Marc Foussat, et à lire ressemblent davantage à des cris et parfois pourraient border (par leur expérience) ceux du jeune Artaud. Ce premier Cahier, aplat jaune vif de la blessure « la plus rapprochée du soleil » (Char), rassemble de nouvelles approches (dont des documents photographiques inédits), qui feront sortir Laure d’une histoire souvent tronquée par I’influence que les figures tutélaires de Bataille et Leiris eurent sur elle. À lire l’entretien de son neveu Jérôme Peignot (qui la considérait comme sa « mère diagonale »), l’article de Marc Tillard sur « l’authenticité de l’expérience », ou celui de Joachim Lemasson sur son « Expiration poétique ».

La vie posthume de Laure

la Quinzaine littéraire
no 1085, 1er-15 juin 2013
Dominique Rabourdin, écrivain, critique

Le numéro 1 de ces Cahiers consacrés à Laure est l’aboutissement, soixante-quinze ans après sa mort, en 1938, de la volonté de Georges Bataille et de Michel Leiris de respecter le désir exprimé par leur amie que son témoignage ne reste pas « incommuniqué ».

« Il ne faut pas s’isoler, écrivaient-ils, rien n’ayant de sens que ce qui existe pour d’autres êtres. Mais la misère inhérente à tout ce qui est littérature lui faisait horreur : car elle avait le plus grand souci qui puisse se concevoir de ne pas livrer ce qui lui apparaissait déchirant à ceux qui ne peuvent pas être déchirés. » Celle qui ne s’était jamais jugée satisfaite de ses écrits et n’avait jamais pensé « faire oeuvre » avait, comme le dit Bernard Noël, « laissé la matière d’une œuvre ». Qui fera d’elle une des héroïnes de notre temps.

Au printemps 1939, Bataille et Leiris prirent l’initiative de faire imprimer à leurs frais, à 200 exemplaires, un choix de textes érotiques de Colette Peignot, alias Laure, dans un recueil où ils sont introduits par des notes sur le sacré. « J’ai voulu une seule chose, écrit Bataille à Marcel Moré, accuser le caractère “sacré” que les écrits communiqués avaient tout au moins aux yeux de Colette et aux miens. » Le livre est strictement hors commerce, avec cette précision : « Aucun exemplaire ne sera remis autrement qu’à titre personnel. » Bataille – dont le nom n’apparaît pas – prit effectivement soin d’inscrire de sa main celui de chaque destinataire. Ce premier « petit livre », intitulé le Sacré, fut suivi quelques années plus tard du récit autobiographique Histoire d’une petite fille, tiré à 33 exemplaires. Longtemps, ces livres secrets ne sortirent pas du cercle des amis de Laure. Ironie du destin (elle avait rejeté le surréalisme), c’est une notice extraite du « Lexique succinct de l’érotisme » du catalogue de l’Exposition internationale du Surréalisme EROS, en 1959, qui contribua une des premières fois à attirer l’attention sur elle. André Breton avait personnellement demandé à Michel Leiris de pouvoir reproduire ces quelques lignes de Fourbis :

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Cahiers Laure n°1

Aden
no 12, octobre 2013
Patrice Allain, maître de conférences en langue et littérature françaises

« Laure est un personnage politique », comme l’affirme (p. 18) Jérôme Peignot, neveu et fils spirituel de cette « mère diagonale » dont la puissance de fascination n’a pas décru. Ainsi, la ligne de vie de Colette Peignot, tout en brisures, porte à la fois les stigmates de la déconstruction des catéchismes catholique et soviétique [1].

Son voyage en U.R.S.S., accompli en 1930 dans un élan révolutionnaire, est l’une des étapes fondatrices de ce parcours. À son retour, en dépit d’un amer décillage, son combat idéologique se poursuit et se traduit par le financement et la fondation de la Critique sociale, auprès de son compagnon Boris Souvarine et dans le prolongement des activités du Cercle communiste démocratique. Elle y livre des comptes rendus de lecture qui s’attachent à la situation politique et sociale de l’U.R.S.S. et à la littérature russe, articles sur lesquels revient Jacqueline Chenieux-Gendron [2]. Cette analyse, qui mériterait toutefois de plus amples développements, s’avère d’autant plus cruciale qu’il s’agit des seuls écrits publiés du vivant de Peignot, avec ceux reproduits dans le Travailleur communiste, syndical et coopératif. Ce périodique militant fondé par Paul Rassinier [3] avec d’autres exclus du P.C.F., accueille plusieurs signatures de la Critique sociale : l’ex-surréaliste Jacques Baron [4], Jean Bernier [5], dont la rencontre amoureuse fut cruciale par rapport à l’engagement précoce de Laure, Pierre Kaan, ou encore Souvarine. Elle y traite par exemple de la Ville conquise de Victor Serge [6], mais surtout, dès 1933, elle y apparaît comme l’une des premières plumes à tenter de dissiper « le mirage soviétique ». « Tout va en moi à l’encontre […] / Tout en moi s’insurge » (p. 45) : ces quelques mots condensent toutes les phases de son agonie poétique que Joaquim Lemasson restitue ici jusqu’à son dernier souffle.

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« Laure, Cahiers n° 1 »

la Revue des revues
no 50, automne 2013
Jérôme Duwa, docteur en histoire de l’art et enseignant en philosophie

Une nouvelle revue consacrée à Laure ? Oui et non.

En apparence, ce cahier inaugure une série de livraisons prenant pour sujet Colette Peignot (1903-1938), l’auteur mieux connu par le titre du volume blanc comme une robe de communiante intitulé Écrits de Laure et édité par Jean-Jacques Pauvert à partir de 1971. Mais, pour être tout à fait clair avec ce premier cahier, il faut ajouter qu’il s’inscrit dans une entreprise éditoriale de facture très soignée sous la direction de Jean-Sébastien Gallaire et démarrée depuis 2007 par des Cahiers Leiris. Six années plus tard, nous en sommes à trois Cahiers Leiris, un Cahier Bataille et maintenant, ce qui n’est pas sans logique avec les deux précédents, un Cahier Laure.

Nulle mieux qu’Anne Roche n’était en mesure de présenter ce volume qui engage le pari de faire le point, voire de renouveler la lecture de textes disponibles depuis maintenant plusieurs décennies et dont le pouvoir de fascination produit deux effets fâcheux mis en exergue dès la présentation générale de cette livraison : « soit le lecteur s’abîme dans une lecture emphatique qui ne donne à lire que lui-même, soit, récusant toute critique, il la place hors littérature, façon encore de la faire taire. » Un malentendu essentiel entoure le nom de Laure et la figure de Colette Peignot qu’on découvre ici sous des jours différents grâce à de très belles photographies.

Anne Roche est à l’origine de la dernière publication marquante relative à Laure, puisqu’elle a révélé, d’accord avec Jérôme Peignot, une correspondance échangée avec Boris Souvarine (185-1984) et désormais accessible dans un recueil des Éditions des Cendres sous le titre Une rupture 1934 (1999). Les années que Colette Peignot a passées avec Souvarine ne constituent pas un moment négligeable de sa vie comme pourrait le laisser croire une réflexion injuste de Bataille ; elle a financé la revue la Critique sociale dont elle était aussi une collaboratrice au sens plein. Dans sa préface de Laure. Une rupture, Anne Roche indiquait déjà son propos qui se trouve en quelque sorte prolongé par cette livraison des Cahiers : il convient de travailler à faire sortir Laure des attractions exclusives de Bataille et Leiris qui, pour décisives qu’elles soient, ne sont pas suffisantes pour comprendre la vie et l’écriture de cette femme aspirant désespérément à l’indépendance.

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« Colette Peignot, dite Laure »

Nuit Blanche
no 132, octobre-novembre 2013
Patrick Bergeron, professeur à l’Université Laval (Quebec City, Canada)

Écrivaine française née à Meudon (Hauts-de-Seine) en 1903 et décédée de la tuberculose à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) en 1938 Colette Peignot a laissé une série d’écrits à la prose torturée et exaltée, dont Histoire d’une petite fille, cri de révolte contre les valeurs bourgeoises. Elle fut, à compter de 1934, la compagne de Georges Bataille, qui la surnomma « Laure ».

Auteure de poèmes, de journaux, de lettres et de courts récits, Colette Peignot a fait son entrée dans le circuit de la lecture de façon posthume. De son vivant, elle n’a jamais émis le vœu de publier ses textes, bien qu’elle les ait soigneusement retravaillés. Il existe par exemple sept versions de l’Histoire d’une petite fille. Si l’ensemble de ses écrits ne fait pas beaucoup plus de deux cents pages, ces dernières sont « presque toutes de feu », selon Maurice Nadeau. Trois temps forts marquent la réception de son œuvre. Le premier se situe en 1939, soit un an après sa mort, quand Georges Bataille et Michel Leiris publient hors commerce le Sacré, suivi de poèmes et de divers écrits. L’initiative a surtout une portée confidentielle. Le deuxième temps fort survient dans les années 1970. Le neveu de l’écrivaine, Jérôme Peignot, qui avait douze ans à la mort de sa tante, a réuni en 1971 une première édition complète des écrits de celle qu’il surnomme sa « mère diagonale ». L’éditeur pressenti est Gallimard, où sont réunies dès 1970 les œuvres complètes de Bataille et où Jérôme Peignot a lui-même publié quelques livres, dont Grandeur et misère d’un employé de bureau en 1965. Mais Gallimard refuse. Ce sera plutôt chez Pauvert que paraîtront les Écrits de Laure. Écrits, fragments, lettres. Le succès est éclatant. Le livre est réédité en format poche en 1976 et une version augmentée paraît en 1977. Dans les mêmes années, l’Association des amis de Laure voit le jour. Présidée par Leiris, elle compte Marguerite Duras, Michel Foucault et Claude Mauriac parmi ses premiers membres, un parrainage prestigieux pour une « personnalité météorique des non-lettres françaises ». Un troisième temps fort dans la réception des Écrits de Laure pourrait bien avoir débuté en janvier 2013 avec l’inauguration des Cahiers Laure aux Éditions les Cahiers. Ceux-ci, au lieu d’aborder la figure de Laure dans son rapport à Bataille, proposent d’approcher son œuvre « pour ce qu’elle est : une grande écriture ».

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Cahiers Laure n°1

Cahier Critique de Poésie
no 27, mars 2014
Siegfried Plümber-Hüttenbrink, essayiste et critique

Comment me communiquer à autrui ? Comment sans retenue aucune m’ouvrir à lui et ce à fonds perdu ? Colette Peignot, connue sous le pseudonyme de Laure, l’aura tenté toute sa vie durant en mettant en jeu sa « part d’ombre ». L’enfant solitaire qu’elle fut, élevé dans une atmosphère pieuse, confite en dévotion, a vite fait de s’égarer en des jeux inavouables et qu’il pratique en secret avec lui-même. Tout en explorant les replis cachés de son propre corps, il en vient « à se raconter sans fin des histoires datant d’avant sa naissance, ce temps où il habitait le ciel ». Le ciel qu’un jour, à l’âge de neuf ans, étendue dans un jardin, LAURE fixera à flanc d’abyme avec la sensation subite que la terre commençait à lui tourner dans la tête. L’idée dès lors de l’infini l’habite, doublée du désir presque rageur de se mettre à exister sans délai et sans appui dans un don exacerbé de sa personne et qui l’amènera par la suite à se lier et se livrer à des sévices érotiques avec des inconnus de passage. Disant qu’une fois abandonnée entre leurs mains « tous les rôles lui étaient prêtés » et dont elle sut disposer sans entrave et rien qu’à sa guise, allant jusqu’à contrefaire la pute sous les traits d’un archange affamé de sexe et de fange. C’est ainsi que déjà à l’âge de vingt et un ans l’amante en elle se rêvait « mante religieuse » pour qui l’abject peut confiner au sublime et l’élan amoureux virer en haine prédatrice. Imprévisible pour ses proches, elle se disait mutable et à éclipses.

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